Il est français, il a quarante ans, il a travaillé aux États-Unis, il fait parti des innovateurs en marketing à suivre selon PR Week et il est à la tête du marketing de la Formule E depuis le début de la saison 5 de la compétition 100% électrique de la FIA. Fort de ses vingt ans d’expérience et de son expertise dans le marketing, l’événementiel et les médias qu’il a développé auprès de grands groupes, Jérôme Hiquet doit aujourd’hui accompagner la montée en puissance d’une marque entrée dans une nouvelle ère. Une marque qui se veut engagée et singulière. A l’heure de la tournée européenne de la Formule E qui commence par Rome puis Paris, Sportsmarketing.fr a rencontré Jérôme Hiquet.
Bruno Cammalleri : Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre parcours et nous dire qu’est ce qui vous a conduit à rejoindre la Formule E en tant que CMO ?
Jérôme Hiquet : J’ai effectué plusieurs années au Club Med à la direction de la stratégie puis en Amérique du nord, et ensuite chez Tough Mudder. J’ai un parcours marketing classique dans des entreprises qui avaient des missions fortes : « le bonheur » au Club Med et l’esprit d’équipe chez Tough Mudder. Rejoindre la Formule E a beaucoup de sens car c’est une entreprise qui mixe sport et divertissement au service d’une mission sociétale très importante qu’est le changement climatique.
Comment peut-on définir l’ADN de la Formule E ?
Tout d’abord, la Formule E est une structure qui doit être un laboratoire de tout ce qui est lié aux véhicules électriques. Ma vision de la Formule E ? Elle doit créer des expériences afin que des millions de personnes puissent s’approprier plus fortement les sujets de changement climatique via un vecteur universel : le sport. On est à la croisée entre le sport, le divertissement et la dimension sociétale avec l’environnement. Peu de sports peuvent prétendre aujourd’hui que la mission sociétale est au coeur de leur activité. Nous considérons que le sport est un vecteur pour quelque chose de plus important.
Pourquoi avoir choisi depuis le début de la saison 5 un format de courses d’une durée de 45 minutes + 1 tour ?
L’idée de départ était de rendre le sport plus imprévisible, plus disputé, plus serré. On s’est questionné sur comment faire en sorte que les fans puissent s’y intéresser suffisamment longtemps tout en proposant un format relativement simple pour les diffuseurs. On s’aperçoit que le temps passé par les téléspectateurs à regarder une course de Formule E est beaucoup plus long que sur un autre sport. Ce format colle aussi très bien avec le management de l’énergie et l’exemple le plus probant reste l’E-Prix de Mexico. Nous avons assisté à énormément de dépassements en 45 minutes avec une course compacte et des actions jusqu’à la dernière seconde (ndlr : Lucas Di Grassi s’impose en dépassant Pascal Wehrlein sur la ligne d’arrivée). Cela crée de l’intérêt de la part des fans comme des diffuseurs. L’engagement des fans va augmenter au fur et à mesure que cette dimension sportive devient de plus en plus intense et divertissante. Pour arriver à déterminer ce format, nous avons mené un travail avec la FIA, il y a eu des retours des chaînes de TV et sur le plan mécanique nous devions tenir compte de l’arrivée de la « Gen 2 Car » qui peut tenir toute la distance d’une course. Notre produit TV reste un élément crucial dans le dispositif global que représente la Formule E : il était donc important que l’on puisse choisir ce timing en concertation avec les chaînes.
On voit, en particulier depuis le début de la saison 5, des courses très ouvertes avec un peloton souvent compact. Comment maintenir cet équilibre garant du spectacle sur la piste ?
Au début de la saison nous avons lancé en même temps une nouvelle voiture, un nouveau système pour favoriser les dépassements (ndlr : « le mode attaque »), un changement de la durée de la course, sans oublier une nouvelle équipe à intégrer ainsi que de nouveaux pilotes. Après six courses, le succès est de 100%. On arrive à Rome en ayant eu six vainqueurs de six écuries différentes en six courses ! Nous ne pouvions pas espérer beaucoup mieux. Néanmoins, y-a t-il des optimisations sur ce que l’on peut proposer ? Oui, forcément, et en tant que promoteurs nous y réfléchissons avec la FIA.
Comment améliorer la fan expérience sur un E-prix ?
Concernant l’expérience que nous produisons course après course au niveau de l’Allianz E-Village, les principales innovations se concentrent cette année sur la partie gaming zone. Nous avons véritablement intégré la partie jeu vidéo qui est une expérience au sein de laquelle le public a la possibilité de découvrir l’univers de notre discipline. Ensuite, il y a tout ce que l’on peut faire au niveau local y compris en terme de musique et d’activations en général. Aujourd’hui nous avons un très bon programme mais l’important est que l’on puisse continuer de s’inspirer de ce que nous avons mis en place à Paris : intégrer des activations au niveau local pour que le public s’approprie l’événement.
En effet, nous avons eu la volonté de faire de l’E-prix de Paris un événement pour tous les Français mais également une fête pour les parisiens. « La piste aux parisiens » est une activation récurrente présente depuis la première édition en 2016. Elle se déroule le samedi matin après les essais libres et elle permet aux fans, aux riverains, aux spectateurs, de venir sur la piste avec leur véhicule électrique (non motorisé) comme un vélo, un skate-board, un solo-wheel, déguisés ou non, et c’est un vrai succès ! Cela demeure un exemple d’intégration locale. Cette année nous faisons une grande place à la musique avec un afterwork le vendredi de 18h à 20h où mixeront deux DJ du collectif « Dure Vie ». Le samedi, juste après le podium, les fans auront droit à un live de Synapson. Voilà une nouveauté pour 2019 ! En moyenne, une personne qui vient sur l’Allianz E-Village reste entre six et sept heures. Par ailleurs, nous travaillons sur de nouvelles activations dans la perspective de la saison prochaine.
Avec Moët et Chandon, Hugo Boss ou encore Heineken, la Formule E attire des sponsors en provenance de la Formule 1. On note également l’arrivée de marques comme Bosch pour cette saison 5. Qu’est ce qui fait que la Formule E va nouer un partenariat avec une marque ?
Il y a un mix de plusieurs éléments. Primo, ces marques sont de plus en plus des marques dites « B2C », ce qui permet de construire un écosystème au sein duquel on peut créer des animations complémentaires. Ainsi un grand nombre de synergies deviennent possibles. Ensuite, ces marques se caractérisent par leur coté premium, grand public et souvent leaders de leur marché. Troisièmement, le signal envoyé par l’arrivée de ces marques dans notre sport plutôt que dans d’autres s’avère significatif de l’intérêt grandissant autour de la Formule E. Enfin, nous allons de plus en plus travailler autour de marques qui vont renforcer l’expérience et l’engagement des fans. Dans ce contexte, le fait que Paris soit assurée de figurer au calendrier de la Formule E jusqu’en 2022 est une excellente nouvelle pour continuer de construire la liste grandissante de nos partenaires autour de ce e-Prix.
Comment voyez-vous la Formule E dans dix ans ?
En 2030 nous espérons voir de plus en plus de monde ayant une connexion émotionnelle avec la Formula E, portant une casquette ou un tee-shirt des équipes, des pilotes ou de la marque Formule E. Nous voulons amplifier l’impact de la marque, notamment sur le nombre de voitures électriques ou sur la capacité du public à comprendre les enjeux climatiques. La marque Formule E a un poids et doit participer à cet effort contre la pollution. Il faudra donc porter cette dimension sociétale et sur l’engagement des fans, tout en faisant en sorte que ce sport soit regardé par des centaines de millions de personnes. Avoir des pilotes et des constructeurs qui saisissent l’intérêt de courir dans notre discipline pour développer de nouvelles technologies et avoir des fans, c’est ce qui fait la force de la Formule E.
Ceci est un exrtrait d'un article initialement publié par notre partenaire, SportsMarketing.